les “foxbat” surveillent l’o.t.a.n.
Bien que ne mettant en ligne depuis le milieu des années soixante-dix qu'un seul escadron de reconnaissance volant sur mig-25, le 931.ogvrap n’en a pas moins possédé un assortiment d'au moins six versions de reconnaissance identifiées différentes du “foxbat”. Au nombre de quatorze, les monoplaces de reconnaissance à systèmes électro-optiques mig-25rbv et rbt “foxbat-b”, et ceux disposant de systèmes exclusivement électroniques, les mig-25rbs, rbch et rbf “foxbat-d”, constituaient, avec deux biplaces d’entraînement mig-25ru “foxbat-c”, la dotation nominale ultime de cette unité en 1991 (1). Il faut souligner que ces appareils disposaient également d'une capacité air-sol non négligeable. En liaison avec leur système de navigation inertielle de haute précision peleng-d (azimut), un dispositif de bombardement automatique tout-temps destiné à l'attaque d'objectifs aux coordonnées géographiques connues à vitesse supersonique depuis la stratosphère (2), en faisaient d'excellents vecteurs potentiels pour des armes nucléaires tactiques (voir > les armes spéciales) ou plus simplement pour un total de 5.000 kilos de bombes soviétiques standards de 100 et de 500 kilos.
Les appareils du 931.ogvrap furent livrés à werneuchen en novembre 1974. Il semble logique que les premières machines disposant de systèmes de reconnaissance électro-optiques mises en oeuvre par le 1.ae du 931.ogvrap aient été des mig-25rb (razvedchik bombardirovchtchik - reconnaissance bombardement) ou article 02b, dont la production se déroula entre 1970 et 1972 à gorki. Ces machines disposaient du système sigint srs-4a/b romb-4 (diamant) mais à partir de 1978, elles cédèrent la place aux mig-25rbv qui n'étaient rien d'autre que des mig-25rb mis à niveau par le remplacement du romb-4 par le complexe srs-9 viraj, d'où la lettre v dans la désignation de cette version - chaque nouvelle variante apparue après le mig-25rb s'était en effet vue attribuer une troisième lettre distinctive. Le viraj-1m offrait un spectre de détection des radars élargi. Il couvrait une bande de terrain de 450km de part et d'autre de l'appareil (soit 900km au total) mais une zone faisant 70km de large située immédiatement sous l'avion n'était pas couverte. Les différents types de radars étaient reconnus et localisés avec une précision de l'ordre de 30 à 50km. Les données étaient enregistrées sur bande magnétique et traitées au sol. Les dernières machines converties disposaient du système de contre-mesures électroniques sps-151 lioutik (bouton d'or) en lieu et place du sps-141 siren (lilas). La désignation d'usine du mig-25rbv serait restée "article 02b".
C'est également en 1978 que fut lancée la production du mig-25rbt, alias article 02t. Cette nouvelle version du "foxbat-b" était extérieurement semblable en tout point au mig-25rbv. L'ensemble sigint viraj avait cette fois cédé la place au système tangaj. Le tangaj offrait un spectre de détection des radars encore plus large et la précision dans la localisation des émetteurs était portée à 10 - 30km. La couverture restait de 900km et les données étaient toujours enregistrées sur bande manétique pour analyse au sol. Ce système se retrouvait également sous forme de conteneur ventral emporté par les su-24mr du 11.orap et faisait partie intégrante des équipements du mig-25bm. La variante rbt bénéficiait du système d'identification "ami-ennemi" (iff) parol, du détecteur d'alerte radar sirena-3m (sirène) - lequel fut remplacé ensuite par le spo-15 bereza (prononcer "beryoza" - bouleau) en 1980 - et du brouilleur sps-141 siren.
Le mig-25rbt, à l'instar des autres versions du "foxbat-b", possédait dans la pointe avant de son fuselage, deux soutes indépendantes destinées à l’emport de cinq appareils de prise de vues à haute résolution abrités derrière autant de panneaux vitrés circulaires optiquement plats. Le compartiment principal (4 caméras maximum) était reconfigurable en fonction de la mission. Mais dans les faits, les machines sortaient d'usine avec un compartiment déjà adapté pour l'une des trois missions spécifiques suivantes :
1- reconnaissance standard : Quatre appareils photo a-70m de 70mm logés obliquement dans la soute amovible principale et un appareil a-e/10 de 130mm destiné aux prises de vue topographiques positionné juste derrière, sous le poste de pilotage. Ce dernier couvrait un couloir de 10 à 15km de large, tandis que les appareils a-70m élargissaient la couverture jusque 100km. En toute configuration, le complexe de navigation peleng enclenchait automatiquement les caméras aux coordonnées programmées et un appareil photo fk-5 photographiait les coordonnées des différentes prises de vues. Les versions diurnes emportaient également un posemètre su5.
2- reconnaissances ciblée : Deux caméras a-72 de 150mm dans la soute (sans doute seulement deux hublots); appareil a-e/10. Parfois une unique caméra a-87 de 650mm - nous ignorons si des appareils sortaient d'usine dans cette dernière configuration.
3- reconnaissance nocturne : Deux caméras na-75 sous le nez - qui dans ce cas pouvait ne disposer que de deux hublots. En conditions vfr, une bande de terrain faisant 15km de large était observable. Des bombes éclairantes étaient larguées par le mig-25 pour illuminer le sol au moment de prendre des photos. Certaines sources mentionnent l'existence d'une version rbn pour la reconnaissance de nuit. La documentation technique de l'avion n°55 du 931.ogvrap équipé pour la photographie de nuit - selon son numéro constructeur et la configuration apparente de son nez - indiquait qu'il s'agissait d'un mig-25rbv. Quatre appareils de l'unité auraient été équipés de caméras na-75 : Les numéros 53, 55, 56 et 57.
De jour, des photographies de grande qualité pouvaient être obtenues jusqu'à une altitude de 22.000 mètres. Comme c'était le cas pour la plupart des avions spécifiquement destinés à la reconnaissance, les “foxbat” des versions b et d ne disposaient pas d’un armement d’autodéfense que se soit sous la forme d’un canon interne ou de missiles. Les pilotes de ces machines devaient donc compter aussi sur leur vitesse maximale de mach 2.85 (3) - soit trois fois la vitesse du son - et sur leur plafond de vol maximal de 24.000 mètres d’altitude pour échapper à un éventuel assaillant.
De même que les autres unités de reconnaissance sur "foxbat" des vvs, le 931.ogvrap disposait également de modèles dépourvus de caméras optiques. Le mig-25rbk alias article 02k "foxbat-d", produit à gorki de 1971 à 1980, est entré en service en 1972. Il s'agissait d'une cellule de mig-25rb dépourvue de caméras traditionnelles au profit de la suite sigint koub-3m conçue pour la détection et la classification des radars. Opérant soit du côté gauche, soit du côté droit de l'avion, le koub pouvait capter les émissions radar jusqu'à une distance de 450km - avec une zone morte d'environ 45km sous l'avion - et de déterminer leurs coordonnées avec une précision allant de deux à dix kilomètres. Ces informations étaient enregistrées digitalement et relayées au sol via une liaison de type datalink. La protection de l'avion était assurée par un appareillage ecm de type sps-143 siren.
Le mig-25rbs (article 02s) "foxbat-d" fut développé en même temps que la version rbk. Produit de 1971 à 1977 et entré lui aussi en service en 1972, il emportait le radar à balayage latéral de type sabliya-e dont la présence était trahie par un panneau diélectrique de grande taille situé de chaque côté du nez. Le "sablier" n'était utilisable qu'à partir de l'altitude de 17.000 mètres, jusque 24.000 mètres. Il couvrait latéralement - du côté gauche ou du côté droit - une bande d'environ 25km de large à partir d'une distance de 42-47km, soit la zone non couverte par le slar immédiatement sous l'avion et ses alentours. Sa résolution était de 30 mètres, ce qui permettait de distinguer les ponts, les sites de franchissement, les noeuds ferroviaires, les concentrations de matériel, les aérodromes, les ports ou encore les bateaux. Les images étaient exposées sur un film qui était développé et analysé au sol dans un camion spécialement aménagé. Un système sps-142 siren assurait la défense ecm.
Les mig-25rbs furent soumis à partir de 1981 à un programme de mise à jour visant au remplacement du sabliya par un radar slar plus performant, le chompol (ecouvillon) dont la résolution était trois fois supérieure. Il était de plus utilisable entre 300 et 23.000 mètres d'altitude et permettait de sélectionner des objectifs en mouvement. Il disposait en outre d'un mode cartographique. Les appareils modernisés prenaient logiquement la désignation de mig-25rbch alias article 02ch (4). Il était en principe possible de les distinguer des anciens modèles rbs grâce aux antennes du système de détection et d'alerte radar spo-15 bereza dont ils étaient pourvus et qui se trouvaient en haut, à l'avant des entrées d'air des réacteur.
Toujours en 1981, les mig-25rbk entamèrent un chantier de modernisation se métamorphosant ainsi en mig-25rbf (article 02f) "foxbat-d". La suite sigint koub-3m fut remplacée par le système char-25 (ballon). Celui-ci fonctionnait plus rapidement et pouvait travailler dans un environnement radio-électrique perturbé. Il était capable de détecter les radars récents ayant un spectre d'émission complexe et relayait les résultats de ses analyses au sol, via une liaison de type datalink. Le mig-25rbf pouvait emporter une caméra panoramique et jouissait en plus des systèmes ecm et de détection et d'alerte radar, d'éjecteurs de leurres ir et électro-magnétiques. Comme pour toutes les autres versions modernisées, la conversion des mig-25rbk en rbf fut effectuée dans les centres de maintenance (arz - aviatsionniy remont zavod) des vvs. Logiquement, les mig-25rbf auraient dû prendre la désignation de mig-25rbch, en relation avec leur ensemble sigint char-25. Toutefois, cette dénomination avait déjà été prise par le mig-25rbch évoqué plus haut.
Si la grande majorité des mig-25 du 931.ogvrap étaient recouverts du traditionnel camouflage gris clair intégral généralement appliqué sur ce type d’appareil, le mig-25rbf de werneuchen, immatriculé 38 rouge (numéro de construction 02032317), présentait une livrée plus inhabituelle sous la forme d’un camouflage tactique constitué de quatre teintes : Brun foncé, sable et vert foncé sur l’extrados et gris foncé sur l’intrados. Rapporté communément comme ayant reçu cette livrée lors d’un grand entretien au centre de maintenance de novossibirsk en sibérie, cet appareil était parfois présenté - sans preuve aucune, voire par pur fantasme - comme un vétéran des combats en afghanistan... En russie, d'autres mig-25 de reconnaissance ainsi que des mig-25bm étaient recouverts de ce camouflage considéré comme hors du commun. Pourtant, cette pratique était courante au sein des vvs. Ainsi en était-il de certains régiments de mig-29 et de su-24 dont les appareils étaient recouverts d'un camouflage brun/vert plutôt que gris.
Pour l’entraînement opérationnel de ses personnels navigants et les missions de reconnaissance météorologique préalables à chaque journée de vol, le dernier escadron du 931.ogvrap avait conservé deux des quelques biplaces mig-25ru (ru pour razvedchik ouchebniy - reconnaissance entraînement), alias ”foxbat-c” ou encore article 39, de la dotation originale du régiment. Ce modèle de mig-25 se distinguait aisément de ses frères monoplaces par une pointe avant de fuselage entièrement redessinée afin d’accommoder un second cockpit pour loger le pilote instructeur et une nouvelle cabine installée de façon assez inhabituelle en avant et légèrement en contrebas par rapport au cockpit original. Malgré cet appendice nasal peu commun, les caractéristiques du mig-25ru étaient très proches de celle de l’avion d’armes, à l’exception de la vitesse maximale qui était, pour des raisons de sécurité, ramenée à un maximum de mach 2,65. Enfin, comme presque toutes les versions biplaces des chasseurs de combat soviétiques, les systèmes internes du mig-25ru étaient spécialement modifiés pour permettre la simulation de pannes en vol, comme sur un simulateur de vol classique (5).
Le 21 mai 1991, équipés pour la circonstance de leur réservoir ventral géant de 5280 litres, les seize mig-25 du 1.ae faisaient mutation à welzow avec le soutien de quelques hélicoptères de transport mi-6a “hook-a” du 239.ogvvp d’oranienburg. Ces appareils pourraient alors avoir constitué le 4.ae du 11.orap.
C'est finalement en deux vagues, la première le 1er juillet 1992, impliquant un groupe de six appareils, suivie cinq jours plus tard d’une seconde regroupant les dix avions restants, que les ultimes ”foxbat” de la 16.va faisaient leurs adieux définitifs au ciel d'allemagne pour chatalovo, dans la région de smolensk.
Les mig-25 de reconnaissance sont longtemps restés un élément de première importance pour les vvs. Affectés au 98.ogvrap de montchegorsk et au 47.ogvrap de chatalovo (respectivement des districts militaires de leningrad et moscou), ils dépendaient du commandement à vocation spéciale depuis l'an 2000 au sein duquel ils constituaient une force de réserve statégique. Le 47.ogvrap fut la première unité opérationnelle à percevoir des mig-25r au début des années 70. Les avions de ce régiment, aux côtés desquels étaient affectés des su-24mr, étaient ornés de divers badges, noms de baptême et symboles de missions effectuées notamment au-dessus de la tchétchénie. Mais la fin des "foxbat" est proche. La seule unité à encore mettre en oeuvre des mig-25 fin 2010 était la base aérienne 7000 de baltimor (voronej).