Lutte Anti-Covid-19 : Le premier respirateur artificiel 100% FAR
En exécution des Hautes Instructions de Sa Majesté le Roi, Chef Suprême et Chef d’Etat- Major Général des Forces Armées Royales, relatives à la lutte contre la pandémie Covid-19 qui sévit à travers le monde, une équipe d'ingénieurs du 4ème Bureau de l’EMG des FAR a conçu et réalisé un système de ventilation artificielle, à l'Etablissement de Traitement d'Armement et des Munitions (ETAM) à Benslimane, répondant aux exigences thérapeutiques et techniques d'une bonne prise en charge de des patients Covid-19 nécessitant une assistance respiratoire rapide et adaptée aux spécificités de cette maladie. La finalité de ce projet est de fournir, en urgence, une solution permettant de renforcer les capacités d’intervention des équipes médicales en termes de ventilation et de respiration artificielle.
Dans les cas les plus sévères, le nouveau Coronavirus cause l’inflammation et l’obstruction des alvéoles pulmonaires débouchant sur une insuffisance respiratoire. Le patient doit donc être placé sous ventilation mécanique qui consiste à suppléer ou assister la respiration spontanée à l’aide d’un respirateur artificiel, communément appelé «ventilateur».
La phase d’étude
Selon une étude portant sur la prise en charge de l’atteinte respiratoire sévère en Italie, les poumons enflammés des malades Covid-19 sont particulièrement sensibles aux pressions et à la concentration d’oxygène à cause de l’aspect hétérogène et non uniforme de l’infection. Ainsi, la prise en charge des malades Covid-19 sous respirateur nécessite une parfaite maîtrise des paramètres de pressions et de concentration d’oxygène au risque de détériorer les tissus pulmonaires provoquant un manque de ventilation qui pourrait être fatal.
L’objectif du projet est donc de produire un système capable d’apporter un volume courant d’air suffisant pour permettre l’oxygénation du malade et l’évacuation du dioxyde du carbone CO2, tout en assurant une sûreté de fonctionnement et une parfaite maîtrise des paramètres de pressions et de concentration d’oxygène. L’équipe de développement, composée de docteurs, d’ingénieurs et de techniciens spécialisés du 4ème Bureau de l’EMG des FAR, s’est mobilisée pour fournir, dans les meilleurs délais, une solution fonctionnelle, ergonomique et fiable, pouvant combler un éventuel déficit en appareils respiratoires nécessaires pour la prise en charge des patients Covid-19.
Pour atteindre cet objectif, une phase de maîtrise et de spécification du besoin était nécessaire. L’effort initial a été orienté vers la compréhension du fonctionnement des appareils de ventilation commercialisés et de leurs limites constatées dans le cadre de la prise en charge des malades atteints du Coronavirus. Un comité scientifique, composé de professeurs réanimateurs et d’un ingénieur biomédical, a procédé à la définition du besoin en précisant les aspects fonctionnel, technique, ergonomique et de sûreté de fonctionnement inhérents à la fabrication des respirateurs artificiels. Ce besoin a été mis à jour tout au long de la durée du projet en exploitant les données statistiques et les conclusions des publications scientifiques afférentes à cette maladie.
La phase de conception
Adoptant une approche « Agile », l’équipe du projet a pu fournir, en moins de cinq jours, une première version. Celle-ci a été soumise rapidement à une série d’essais puis à des cycles d’amélioration rapides ayant permis d’atteindre une huitième version mature répondant aux exigences fonctionnelles et de sécurité dans un délai de vingt jours.
Réunie dans les laboratoires de l’ETAM, l’équipe de développement s’est fixée comme but de proposer un système de conception simple et ouverte, favorisant sa reproduction rapide avec des composants et matières localement disponibles. Ce challenge a été brillamment relevé au vu de la solution proposée, composée d’un ventilateur mécanique associé à un mélangeur d’air-oxygène.
Le ventilateur développé fonctionne selon les modes volumétrique et barométrique destinés aux patients profondément paralysés. Dans le mode volumétrique (ou volume contrôlé), le système insuffle un volume courant constant en variant le débit selon la fréquence respiratoire adaptée au patient. Pour le mode barométrique, le système cherche à atteindre une pression de consigne sans égard au volume insufflé qui dépend de la résistance mécanique et de la compliance des poumons.
Pour implémenter ces deux modes, le système proposé a été doté d’un panneau de configuration et de contrôle, d’agencement simple, permettant le réglage de l’ensemble des paramètres qui régissent l’opération de ventilation selon l’état clinique et la physionomie du patient.
Un aspirateur aux normes et standards internationaux
Le réanimateur choisit le mode de ventilation puis fixe la fraction inspirée en oxygène (FiO2) et le volume courant (Vt) par cycle de respiration. Le nombre de cycles respiratoires par minute (F) et le ratio Inspiration/Expiration (I/E) agissent sur le débit d’écoulement du mélange et la cadence de respiration. La Pression Positive en Fin d’Expiration «PEEP» (Positive End Expiratory Pressure) et la Pression Inspiratoire Maximale «PIP» (Peak Inspiratory Pressure) doivent être minutieusement réglées pour éviter une éventuelle détérioration des alvéoles par barotraumatisme ou atélectasie.
Dès sa mise en marche, le système exécute une routine d’autodiagnostic pour s’assurer du bon fonctionnement de ses compartiments. La validation des paramètres de ventilation enclenche le mélangeur qui adapte les débits d’air et d’oxygène fournis en entrée pour délivrer un mélange à une concentration FiO2 conforme à la consigne fixée. Le système emmagasine le volume du mélange dans un réservoir, soumis à une compression rigoureusement contrôlée, pour l’insuffler dans le poumon du patient.
Le système dispose également d’une interface de monitoring avancée, à proximité ou à distance, permettant à l’équipe médicale de contrôler le bon déroulement de l’opération de ventilation. Hormis les paramètres réglés par l’utilisateur et ceux mesurés par les différents capteurs, cette interface trace les courbes d’évolution de la pression, du débit, du volume et du taux CO2. Il permet également de mesurer la pression plateau et de détecter l’existence de la pression intrinsèque en fin d’expiration (AUTOPEEP), causant une augmentation du travail respiratoire et une altération des échanges gazeux. Un monitoring de masse est également possible avec ce système. A cet effet, plusieurs ventilateurs peuvent être surveillés par un seul opérateur via une interface unique. Cette fonctionnalité permet de réduire les risques de contact et de diminuer la charge de travail du personnel médical.
Un appareil sûr et performant
Pour garantir une meilleure sûreté de fonctionnement, le système a la capacité de détection des défaillances et d’émission d’alarmes. Cette fonction a été assignée à un microcontrôleur dédié, alimenté séparément, qui assure une surveillance permanente de tous les paramètres de fonctionnement du système et ceux mesurés lors du processus de ventilation. A ce titre, le système lance des signaux visuels et sonores dans le cas d’une panne de gaz, d’une coupure d’électricité, d’un dépassement de la pression des voies respiratoires, d’une déconnexion ou d’une défaillance du volume courant.
Aussi, et afin d’éviter tout risque de contamination de l’air environnant, le gaz expiré par le patient passe obligatoirement par un filtre bactérien/viral et une chambre de traitement par chaleur avant qu’il ne quitte le système. De plus, l’appareil peut être traité par un désinfectant ou tout autre produit de nettoyage de surface sans aucune influence sur ses performances.
De point de vue performances, le système proposé a été pensé pour garantir un fonctionnement sans interruption pendant une durée minimale de quatorze jours. Cette exigence a été confirmée par des essais d’endurance effectués sur les premiers prototypes. Ces essais ont confirmé également une stabilité remarquable des paramètres de ventilation mesurés par rapport à ceux de consignes. Aussi, le compartiment de sauvegarde électrique garantit une permanence du fonctionnement du système pendant une durée de 30 minutes dans le cas d’une coupure d’électricité accidentelle ou due à un débranchement momentané pour des besoins de changement de position ou d’orientation du patient.
De conception ergonomique simple et légère, le ventilateur développé est de faible encombrement, facilement déplaçable et ne nécessite pas plus d’une demi-heure de formation pour une prise en main par un praticien. Cette conception permet une reproductibilité sans contraintes majeures et une haute manœuvrabilité dans le cas d’un déplacement de faibles distances ou d’un redéploiement.
Un processus de tests de validation rigoureux a été mis en place pour s’assurer de la conformité du ventilateur développé avec les standards internationaux relatifs à la fabrication rapide des systèmes de respirations. Il inclut des essais sur des poumons artificiels et un mannequin-simulateur, avant de passer à des tests plus poussés selon un protocole prédéfini, en adéquation avec les pratiques mondialement exigées dans ce domaine.
Une Chaîne d’approvisionnement maîtrisée
Face aux restrictions d’exportation appliquées à ce type de systèmes et leur indisponibilités sur le marché international, ce projet offre une solution pratique, locale, évolutive et à faible coût. Les circuits logistiques d’approvisionnement de la matière première et des composants sont complétement maîtrisés. Les phases de fabrication, d’assemblage, de packaging et de contrôle-qualité s’effectueront au niveau des ateliers et laboratoires de l’Ecole Royale du Matériel (ERM) et de l’ETAM, implantés à Ben Slimane. De plus, les systèmes produits bénéficieront d’un programme de mise à jour périodique en vue d’élargir le panel des modes de ventilation mécaniques pris en charge.
Au-delà de la contribution aux efforts de lutte contre la pandémie Covid-19, l’aboutissement de ce projet est une prouesse technologique affirmant le niveau avancé atteint par les Forces Armées Royales dans le domaine de la Recherche et Développement. Le résultat atteint est le fruit de la combinaison de plusieurs domaines de connaissances pointues, tels que la mécatronique, l’informatique, les systèmes embarqués, la mécanique des fluides et le biomédical. Les standards militaires appliqués dans le cadre de ce projet ont garanti une haute fiabilité et disponibilité du système produit, et ce, à travers la mise en place de redondances au niveau de l’étage Contrôle/Commande et la séparation physique avec le sous-système de monitoring.
Processus de validation du projet
Ce processus comporte plusieurs phases qui seront passées au peigne fin par des commissions spécialisées.
Des tests fonctionnels ont été effectués avec succès en présence de médecins et de spécialistes en biomédical de l'Hôpital Militaire d'Instruction Mohammed V de Rabat.
Des tests cliniques sont prévus sur mannequin-simulateur puis sur des animaux et enfin sur des humains volontaires.
Selon les avis de différents médecins réanimateurs qui ont assisté aux premiers tests du respirateur, celui-ci s'avère complet et adapté pour son utilisation dans la prise en charge des malades atteints de la Covid-19.
En attendant l'homologation de ce projet, les équipes chargées de l'élaboration de ce prototype continuent de le perfectionner et de l'adapter afin qu'il réponde aux attentes des professionnels de la santé.