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Depuis maintenant plusieurs années, il est fait grand cas du missile chinois Dong Feng 21 [DF-21], présenté comme étant un « tueur de porte-avions ». Selon les données disponibles, cet engin balistique anti-navire [ASBM], opérationnel depuis 2010, aurait une portée comprise entre 900 et 1.550 km. De quoi tenir théoriquement un groupe aéronaval à distance, voire de changer l’équilibre des forces dans le Pacifique aux dépens de la marine américaine.
Seulement, une fois lancé, un missile balistique suit une trajectoire suborbitale pour ensuite plonger vers sa cible. Or, cette dernière doit être immobile. D’ailleurs, et sauf erreur, on n’a jamais encore vu un DF-21 détruire un objectif en mouvement, comme peut l’être un porte-avions évoluant à 20-30 noeuds et doté de capacités anti-missiles et de contre-mesures électroniques.
D’où le scepticisme qu’a affiché l’amiral Christophe Prazuck, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], alors qu’il était interrogé par une commission parlementaire franco-britannique au sujet de l’avenir des capacités anti-navires.
« Le missile chinois DF-21 […] a fait l’objet d’une grande publicité. Ce dernier serait un missile balistique qui mettrait en œuvre un auto-directeur », a commencé par rappeler l’amiral Prazuck. « Tout cela est très mystérieux, et il y a une certaine contradiction à associer balistique et auto-directeur. Il y a fort à parier que le
concept n’est pas mûr », a-t-il ajouté, avant d’estimer que, « toutefois, ces armes, offensives, sont à prendre en considération. » Mais sans doute parlait-il des missiles russes Yakhont et Kalibr
Car, plus tard, le CEMM a une nouvelle fois affiché son scepticisme à l’égard du DF-21, lequel fait partie, selon lui, des « concepts en développement dont on parle parfois et qui participent d’une stratégique d’influence. »
« Par exemple, mettre en avant un missile de nature balistique, qui volerait à une vitesse faramineuse et serait doté d’un autodirecteur me paraît étonnant du fait des phénomènes d’échauffement créés par de tels niveaux de vitesse », a expliqué l’amiral Prazuck.
« De plus, a-t-il continué, guider un objet qui irait à très grande vitesse vers une cible mouvante comme un bateau me paraît
plutôt compliqué et, pour tout dire, je n’y crois pas. »
Les Chinois « possèdent des missiles supersoniques, j’en conviens. Pour le reste, je pense que nous nous situons davantage dans le domaine de l’imagination ou d’objectifs futurs », a estimé l’amiral Prazuck.
Cependant, a encore ajouté le CEMM, ces « développements ont certaines conséquences et, pour moi, cela implique d’investir dans des radars dits ‘plaques’ dans le cadre de notre programme de frégate de taille intermédiaire [FTI] ». Ces sytèmes permettent en effet de voir « en permanence à 360°, à l’inverse des radars tournants, pas assez réactifs face à un missile hyper-véloce », a-t-il précisé.
Interrogé ensuite par un député britannique, l’amiral Prazuck a développé deux arguments pour expliquer son scepticisme face aux missiles balistiques anti-navires prétendument développés par Pékin. Le premier est logique. « Je constate que les Chinois construisent des porte-avions, ce qu’ils ne feraient pas s’ils étaient certains de pouvoir en couler un à tous les coups », a-t-il dit.
Le second argument avancé par le CEMM est technique. « Un missile balistique est d’abord conçu pour atteindre une cible immobile. Supposons que l’on invente un missile volant à
Mach 6, tiré à 1.000 kilomètres d’un porte-avions. Un tel missile mettrait 6 minutes pour atteindre le porte-avions. Imaginons aussi que ce dernier se déplace à une vitesse de 20 nœuds, c’est-à-dire qu’il parcourt dix mètres par seconde. Autrement dit, en 6 minutes, il se serait déplacé de 3,6 kilomètres. Dès lors, tirer de manière purement balistique, même à Mach 6, ça n’a pas de sens contre une cible mobile », a-t-il expliqué.
D’autant plus que, a poursuivi l’amiral Prazuck, la « seule manière d’ajuster la cible en phase terminale est d’actionner des espèces de gouvernes. Mais dans ces conditions, la vitesse est un facteur limitant. Pour mettre en œuvre un autodirecteur, il faut réduire la vitesse de manière significative, de telle sorte qu’il ne s’agit plus d’un missile hyper-véloce. » Dès lors, l’on aurait affaire à missile « volant à Mach 1 ou Mach 2, comme c’est le cas aujourd’hui, ce que nous savons intercepter », a-t-il conclu.